Conférence - Roberto Paternostro

Continuités et discontinuités dans l'enseignement-apprentissage du français en Suisse italienne : quelle place pour la variation dans les contextes complexes ?

Roberto Paternostro
Maitre d'enseignement et de recherche, Université de Genève – ELCF & Maison des Langues
 

La Suisse constitue un observatoire privilégié du français en situation de contact et représente un terrain fécond pour le développement d’approches didactiques adaptées aux contextes complexes. En effet, le français y est à la fois langue première (FL1), seconde (FLS) et étrangère (FLE). Néanmoins, cette tripartition ne rend compte que partiellement de la complexité du contact linguistique et de son impact sur l’enseignement des langues.

L’objectif de notre exposé est de questionner la pertinence de ces catégorisations (FL1, FLS, FLE), à partir d’une approche didactique contextualisée (Dabène, 1994 ; De Pietro & Rispail, 2014). L’analyse des contextes sociolinguistiques constitue le point de départ pour une prise en compte efficace des terrains sociodidactiques, par le biais notamment de l’étude des représentations linguistiques et des pratiques pédagogiques des acteurs concernés (apprenants, enseignants) et de la prise en compte de la variation (régionale, sociale) qui caractérise la diversité des situations d’apprentissage. Une démarche de contextualisation didactique, en effet, ne peut faire l'impasse d'une réflexion sur la variation et sur la façon dont celle-ci peut être intégrée à l’enseignement.

La présentation d’une enquête menée au Tessin sera l’occasion de mettre en évidence les continuités et les discontinuités qui caractérisent l’enseignement du français dans le contexte helvétique. Les résultats montrent, en effet, que le français n’est considéré comme une simple langue étrangère ni par les enseignants ni par les apprenants. Et pourtant, l’adoption d’une véritable didactique de langue seconde, qui tienne compte des spécificités du terrain, peine à se mettre en place. Même si une ouverture implicite au français « local » existe chez les enseignants, la variation est rarement thématisée en tant que telle. La référence linguistique et culturelle demeure le français « standard » ou « hexagonal ». Bien que les apprenants aient conscience que le français revêt un statut particulier dans le pays, ils ont du mal à faire le lien avec la variété étudiée à l’école et manifestent un intérêt envers la façon de parler des Français.

Le modèle didactique mis en œuvre au Tessin apparaît donc en décalage avec les exigences du terrain. Une meilleure articulation entre l’appartenance à la francophonie suisse et le lien avec la francophonie internationale s’avère nécessaire. Deux orientations méritent d’être explorées : l’importance de former les enseignants à une « didactique de la francophonie » et le recours à des activités sensibilisant à la variation, qui éveillent l’intérêt des apprenants envers une langue qui n’est pas étrangère à leur univers et qui favorisent l’ouverture à la diversité.

Références

Cadet, L. & Guerin, E. (dir .) (2012) FLM, FLS, FLE au delà des catégories. Le français aujourd’hui. Paris : A. Colin.


Dabène, L. (1994) Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues. Paris : Hachette.

De Pietro, J.-F. (2008) L'école face aux variétés du français : réflexions à partir de la situation en Suisse francophone. La langue française dans sa diversité. Québec : Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, pp. 181-208.

De Pietro, J.-F. & Rispail, M. (2014) (dir.) L’enseignement du français à l’heure du plurilinguisme. Namur : Presses universitaires de Namur.

Grin, F. (2014) Le débat sur les langues en quinze questions : arguments, faits et chiffres. Genève : Observatoire Économie – Langues – Formation, Université de Genève, Faculté de traduction et d’interprétation.

 

Date: 
Lundi, 2 décembre 2019 -
14:00 à 16:00
Lieu: 

Maison de l'Université - MSA