Conférence DYLIS - Rabatel Alain

Pour une analyse énonciative des points de vue perceptifs empathiques (hétéro-perception et prise en charge énonciative)

 
Alain Rabatel
Professeur des universités
Université de Lyon 1, ICAR
 
Alors qu’on distingue soigneusement les instances d’énonciation, lorsque l’on procède à l’analyse des discours rapportés ou représentés (Rabatel 2003, 2008), on ne fait pas de même – à l’exception toutefois de Rabatel 1997, 1998, 2003, 2008, Maëso 2014 –, lorsqu’il s’agit d’analyser des verbes de perception (VP), e.g. Benzakour 1990, Grezka 2009, comme si l’origine énonciative n’avait guère d’importance. Si en revanche on prend au sérieux l’hypothèse énonciative, notamment pour l’étude des VP, on gagne à le faire en distinguant, comme le propose Ducrot 1984 : 205, le locuteur (L), source d’un acte de parole (ou d’énonciation) de l’énonciateur (E), instance source des points de vue. Cette distinction permet de rendre compte des cas de conjonction et de disjonction entre locuteur/énonciateur premier (L1/E1 ) ou seconds (l2/e2), en sorte qu’il ne faut pas confondre « l’énonciateur », qui est un parasynonyme du locuteur, avec l’énonciateur en tant  qu’instance modale à la source à laquelle sont rapportés les choix de référenciation des objets du discours. L’énonciateur primaire – qui peut être en syncrétisme avec le locuteur primaire, lorsque le locuteur construit des énoncés que E1 prend en charge – doit aussi être distingué des énonciateurs seconds (Rabatel 2010). La prise en compte de cette distinction des instances est particulièrement cruciale avec dans les hétéroperceptions .
La source énonciative, en tant que source modalisante d’un point de vue (spatio-temporel, cognitif, évaluatif, etc.), a des répercussions évidentes sur la référenciation  et les valeurs modales des propositions qui contiennent des verbes de perception et leurs arguments, et, plus largement, sur l’ensemble des prédications, qui se présentent comme des apports du VP support, et sont susceptibles d’exprimer le monde perçu en fonction de la subjectivité, de l’intentionnalité du sujet centre de perspective (Gosselin 2010 : 127, Rabatel 2012a, b), y compris dans le cas où ce dernier est un énonciateur second non locuteur (Banfield 1995). Cet énonciateur second (e2) peut être considéré comme un sujet modal interne, ou une deuxième instance de validation, parallèlement à l’instance modale de validation fondamentale qu’est le locuteur/énonciateur premier. 
Dans ce qui suit, je me restreindrai à quelques verbes de perception (VP), du type voir ou regarder (et de leurs équivalents, apercevoir, remarquer, etc.), en confrontant mes analyses à celles de Grezka 2009 relatives à ces mêmes verbes. D’autres choix auraient été possibles, concernant d’autres « sens » que la vue (Dubois 2009, Kleiber 2011, Verine 2014, pour m’en tenir à quelques références). D’une façon générale, j’inscrirai l’analyse des VP dans celle des comptes rendus de perception ou CRP (Rabatel 2003, 2008), en prenant en compte non seulement la phrase qui contient le VP, mais aussi les phrases subséquentes, parce que c’est souvent là que la perception se charge de valeurs intentionnelles et s’oriente vers l’action. Après avoir présenté rapidement la notion de point de vue dans le langage naturel (1) puis en linguistique, ainsi que le cadre théorique de mon analyse des perceptions (2), j’examinerai les CRP (3) avant d’aborder dans un dernier point la question de leur prise en charge, par le locuteur/énonciateur premier et/ou par le locuteur/énonciateur second (4).
Date: 
Lundi, 15 mai 2017 -
14:00 à 16:00
Lieu: 

Salle 1 (RDC)

Batiment de la formation continue